Mes nouvelles aventures à Berlin

24 octobre 2012

Mes nouvelles aventures à Berlin

Me voici lancé dans de nouvelles pérégrinations mondialisées. J’essaye de m’installer à Berlin. Je représente la minorité invisible. Les immigrés Européens. Un de ceux qui affluent en masse en Allemagne pour y trouver une meilleure fortune que dans leur pays d’origine. D’Espagne, de Grèce ou d’Italie (pour les « réfugiés économiques »), d’Angleterre, des Etats-Unis ou d’Australie pour les « réfugiés artistiques », ceux qui se sentent incompris dans leur pays d’origines et cherchent une vie/ville moins matérielle, moins rationnelle, où ils pourraient exprimer leur potentiel créatif à leur juste valeur. Bien sûr, les frontières entres ces deux catégories sont moins clairement définies: beaucoup d’artistes Espagnols ou Italiens viennent à Berlin. Mais comment vivre de son art dans un pays où la crise impose une rigueur peu favorable à l’art ou la culture.

Il est intéressant de voir les petits changements/conflits que génèrent ces nouvelles arrivées. Nouvellement attractive (depuis une dizaine d’années tout de même), la ville de Berlin voit sa sociologie évoluer. Jadis détruite par la guerre puis découpée par le mur, la ville s’offre une seconde jeunesse. Les culs de sac et les périphéries d’antan se sont retrouvées au centre du Berlin réunifié, offrant aux spéculateurs de nombreuses friches. Du même coup, les quartiers jadis populaires, soudain très à la mode se sont trouvés pris d’assaut par une classe créative mondialisée.

 Qui sont ces gens créatifs?

Ils sont parfois les gagnants de la mondialisation, les nouveaux nomades, dont l’activité est souvent liée à internet, à la communication, au design, à l’art. Plutôt que la recherche d’un endroit « naturel » (zone périurbaine, jardin, clôture…) comme en rêvaient nos parents, ils recherchent un lieux orienté sur le monde, permettant de vivre le global à l’échelle locale. Un endroit qui participe à l’érosion des frontières nationales, culturelles, un endroit où les café Wifi, les restaurants du monde entier offrant des brunchs divers, variés et les galeries d’art permettent d’échapper aux contraintes du locale. Cette classe remplace peu à peu l’ancienne bourgeoisie. Elle évolue sur un marché immobilier global au cœur duquel Berlin côtoie Londres, Paris ou New York.

Ce qui est intéressant à Berlin, c’est que ce phénomène est récent. Les zones de frictions sont encore nombreuses. En plus d’offrir tous les avantages précédemment cités, la ville est très bon marché. Rien à voir avec Paris. Berlin est un peu à la captation des créatifs ce que la Chine est à la captation des industries manufacturière. Un Aimant. Un pôle. Le discount de l’attractif : où en Europe peut-on encore vivre en centre ville, boire plusieurs bières tous les soirs, participer à des spectacles de slam en Islandais, assister à des projections de courts métrages différents tous les soirs, voir du hockey sur glace, du foot, du basket, manger des kebabs, des currywurst, des pizzas, des vietnamiens très bons marché, dans des endroits différents tous les soirs, habiter dans une chambre de 20 mètres carrés, s’offrir le luxe de ne pas avoir de voiture, mais seulement un vieux vélo rouillé, et tout cela pour environ 700 euros par mois ?

C’est la GENTRIFICATION.

Mais les loyers augmentent, les bâtiment sont rénovés, la sociologie évolue. Les plus pauvres se retrouvent relégués en périphérie, les gens qui peuvent payer reste au centre. Rien de choquant pour un Parisien dont la ville a subit le même phénomène il y a des années. Nous sommes psychologiquement adaptés à cet état de fait. Mais ici certains (pas tous) considèrent cela comme une injustice. Pourquoi un Berlinois pure souche, qui a subit la ville lorsqu’elle était découpée, devrait aujourd’hui laisser sa place à un Australien (ou un Allemand, ce n’est pas un problème de nationalité) qui est prêt à payer le double pour avoir sa chambre? (la réponse est dans la question)

Souhaitons que les choses ne soient pas si évidentes. Le mois de Septembre a encore pu démontrer à ceux qui en doutaient la difficulté voire l’impossibilité de trouver un toit ici bas. Arrivés en Septembre, certains sont encore à l’auberge de jeunesse. Le site internet par lequel tout le monde passe pour chercher (WGgesucht) est surchargé de demandes. Poster une offre pour une chambre dans une collocation, c’est exposer sa boite mail (ou celle que l’on vient de créer) à l’assault de centaine de sans logis, dont le tri s’avérera long et fastidieux…

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