La Catalogne en route vers l’indépendance footballistique !

18 septembre 2017

La Catalogne en route vers l’indépendance footballistique !

Archivo:Camp Nou més que un club.jpgCrédit : Andrew

L’hypothétique indépendance prochaine de la Catalogne soulève chez certains la question du sport. Qu’adviendrait-il du phare de la région, de son porte-drapeau quasi officiel, du symbole le plus reconnu de cette province (ce pays ?) : le FC Barcelone. Cette question suscite autant d’inquiétude chez les Catalans que de curiosité chez les fans de foot en général. Pour s’en apercevoir, il suffit de lire les articles (et leurs commentaires) ayant pour sujet le référendum du 1er octobre et ses hypothétiques conséquences. La destinée de ce club dont les Catalans sont si fiers est souvent un argument supplémentaire brandi par les intéressés, qu’ils soient pour ou contre l’indépendance, pour justifier davantage leur position. Nous n’avons aucune idée de ce qu’il va advenir dans les prochaines semaines, néanmoins, une fois de plus un suivi attentif de l’actualité footballistique pourrait nous renseigner sur l’air du temps.

Mes que un Club

Certains fans du club, même Catalanistes, justifient le fait de rester Espagnols afin que la Catalogne ne perde pas le meilleur représentant de sa culture, de ses positions en faveur de la démocratie, de la décentralisation et de l’universalité. Mes que un club (plus qu’un club), son slogan, a été élaboré sous Franco, mais il souligne depuis bien plus longtemps la politique d’un club dont l’objectif était, dès sa fondation, d’étendre ses prérogatives au-delà du simple football, à la promotion de la Catalogne au travers d’activités sociales, culturelles, artistiques et scientifiques. Cette formule s’affiche, gigantesque, par l’effet « mozaïstique » de sièges peints en jaunes au milieu des sièges bleus dans la tribune du Camp Nou. Dans une ligue Catalane, l’aura du Barca serait amoindri. Sa compétitivité sportive internationale diminuerait et cela impacterait négativement la visibilité de ces idéaux défendus par les Catalanistes. Sous-entendu, l’indépendance impliquerait une moindre promotion des grandes valeurs philanthropiques et démocratiques que prétend défendre le club qui vient de dépenser 145 millions dans l’achat du jeune français, Ousmane Dembélé.

Imaginez une ligue Catalane. Cela ressemblerait fort à ce qu’il se passe en Écosse, où le Celtic Glasgow truste les titres depuis plusieurs années. Une équipe sans concurrence, qui finirait sans la moindre défaite à la fin du championnat. Sans stimulation, comment rester compétitif ? Comment les joueurs seraient-ils rompus à l’intensité du très haut niveau si le plus gros choc de la saison était la rencontre contre l’Espanyol de Barcelone (club battu 5-0 cette année) ? Comment intéresser les (télé)spectateurs à des rencontres dont on connaît déjà l’issue ? Enfin, comment l’institution pourrait-elle maintenir ses revenus et son aura internationale, elle qui n’a cessé, ces dernières années, d’accroître son attractivité au travers d’une politique marketing plus proche de celle de Disney que de celle d’un club de foot normal, avec Lionel Mickey et Oncle Neymar en tête de gondole.

Too big to fail

Cela n’arrivera pas, rétorquent les indépendantistes. Même en cas d’indépendance, la Liga BBVA (le championnat d’Espagne), dont l’ambition est internationale ferait sûrement fi de la politique. Le Barca, l’Espanyol et Girona (les 3 clubs Catalans qui jouent dans l’élite) pourraient assurément, tout en étant Catalans, jouer en Liga. Certains clubs Andorrans jouent d’ailleurs déjà dans les ligues Espagnoles inférieures. Et pourquoi priver le monde du Clasico, la rencontre contre le Real de Madrid, choc interstellaire réunissant plusieurs fois par ans les clubs emblématiques des deux plus grosses villes d’un pays bicéphale, devant quelques 650 millions de téléspectateurs. Simple divertissement pour la plupart des gens, ce match constitue pour les plus manichéens (souvent des Catalans) la rencontre entre les défenseurs d’une Espagne monarchiste, centralisatrice, conservatrice, dont l’avatar serait le Real, face à l’Espagne républicaine, décentralisatrice, internationale, émancipée… représentée par le Barça, club fondé d’ailleurs par un Suisse.

Non, les dirigeants de la Liga ne seront jamais assez « foot » pour s’amputer ainsi d’une des deux mamelles de leur succès commercial international. L’indépendance n’aurait donc pas de conséquence footballistique. D’ailleurs, il ne fait aucun doute qu’en cas d’éviction du FC Barcelone de la Liga espagnole, plusieurs ligues européennes seraient prêtes à lui ouvrir leur porte. Les ligues Italiennes et Françaises auraient été sondées, la ligue Portugaise aussi serait intéressée par la perspective de rendre son championnat plus attractif en y incluant une équipe d’envergure internationale. Le président du foot lusitanien pousserait d’ailleurs déjà pour créer une ligue ibérique où tous les clubs de la péninsule auraient droit de cité.

L’Europe des régions

En parlant de ligues supranationales, certains enfin brandissent une autre carte. Trop à l’étroit dans une ligue Catalane ? Certes, mais le club ne l’est-il pas déjà au sein de la Liga ? Combien de raclées mises à des opposants de faible niveau au cours des dernières années ? Combien de 8-0, de 6-0, de quadruplés de Messi à Leganes, de triplés de Suarez sur la pelouse du Bétis ? Combien de clubs peuvent prétendre au titre en Liga ? 2 ou 3… Dans le football moderne, n’est-ce pas le lot de toutes les ligues nationales de devenir trop étroites ? En France, qui battra le PSG ? En Italie, qui battra la Juve ? En Allemagne, qui pour s’opposer au Bayern ? Les ligues nationales semblent être des concepts désuets, considérant les inégalités de budget au sein même des grands championnats. Les mastodontes dominent au détriment du suspense. Il y a fort à parier qu’à l’avenir, des ligues supranationales verront le jour. Ainsi, tous les week-ends auront lieux des chocs moins déséquilibrés opposant entre eux les plus gros, les plus riches. Il y aurait plus d’enjeu, plus d’argent à gagner. Qu’y a-t-il de plus motivant pour un secteur aussi capitalistique que l’est le football ?

Si la question de l’échelle la plus pertinente pour la gouvernance d’un territoire se pose avec le référendum du mois prochain, rassurez-vous donc, c’est une question qui dépasse le domaine de la politique. Quelle est l’échelle la plus pertinente pour organiser une compétition sportive ? A ce sujet, le référendum n’aura sûrement pas lieu. Dans une ligue Espagnole, Catalane, Ibérique, voire Française (cocorico), le FC Barcelone perdurera. Son destin ne doit d’ailleurs être qu’une question subalterne par rapport au véritable débat. Souhaitable ou pas, les velléités d’indépendance indiquent qu’une Europe des régions ne relève pas de l’impossible. Lorsque cela arrivera, nous pourrons une fois de plus constater qu’en terme d’ouverture internationale le football aura, une fois de plus, été précurseur.

 

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