Dans la coulisse des cuisines berlinoises: les Chargés de plongée

14 janvier 2013

Dans la coulisse des cuisines berlinoises: les Chargés de plongée

Une plongée (c’est le cas de le dire) dans le quart monde berlinois.

Dans la gastronomie depuis un an, j’ai démarré ma carrière au poste de plongeur. Ou plutôt chargé de plongé! 5 ans d’études, un master en poche, mes profs m’avaient bien dit qu’avec un tel diplôme je pourrait facilement postuler à des postes de chargé de plongée… AAaah de PROJETS!! Je n’avais pas compris…

On oublie souvent, quand on va au restaurant, que quelqu’un va laver notre assiette. Et pourtant…

Je n’ai fait ce travail que pendant un mois, je n’ai donc pas atteint le niveau tant admiré de « Master scuba diver ». Je suis néanmoins maintenant serveur, donc je continue à côtoyer des chargés de plongée, et parfois même, à progresser à leur côtés! Certains ont atteint des niveaux extrêmement hauts. Certains stagnent à des niveaux extrêmement bas, c’est ceux là qui me font finalement le plus progresser puisque je les aide en fin de service.

Le bon / le mauvais plongeur:

Bien sûr il y a des plongeurs rapides et plongeurs lents, ceux qui lavent plus blanc que blanc et ceux qui laissent des traces. Mais pour un patron, un bon plongeur est avant tout quelqu’un qui veut bien laver des assiettes pour… 5 euros de l’heure (souvent sans contrat et non déclaré). Un bon plongeur c’est quelqu’un qui ne part pas avant que la plonge ne soit finie. Croyez moi, lorsque les couverts s’amoncellent, que la pile d’assiette grandit et forme une tour de Pise branlante, que la cuisine se vide car les cuisiniers rentrent chez eux (ils ont fini eux) et qu’il reste encore 3 heures de travail pour finir, il faut être solide psychologiquement pour accomplir sa tache jusqu’au bout. L’option « sortir par la porte de derrière » est séduisante. Renoncer à ce sacerdoce absurde (puisque chaque couvert sera inexorablement resali) est plus que tentant. Néanmoins, on s’accroche, on pense à la paye, on essaye de déconnecter notre cerveau. On se rappelle des mots de notre patron quand il nous a embauché : « c’est pas un mêtier facile, mais avec de l’habitude et une bonne organisation, tu le feras mécaniquement et tu pourras libérer ton esprit ». Mais le mal de dos nous rattrape… Dur de libérer son esprit quand on a mal aux lombaires.

Plongeur = fin mélomane

Heureusement, il y a le réconfort de la musique. Cette douce mélodie accompagne chaque geste du Spuler (plongeur en Allemand). Une fois les cuisiniers partis, il est possible de choisir sa propre radio. Maigre privilège quand il reste 20 marmites à gratter, mais c’est mieux que rien. (ce réconfort n’est pas valable si le voisin du dessus, misanthrope, ne tolère aucun bruit après minuit… Problème des zones denses urbaines…)

Le dessous des cartes

Mais qui sont ces hommes et même parfois ces femmes qui bravent la pression, le sale, le froid, l’humidité et se lancent dans de telles carrières!

Lorsque je suis arrivé à Berlin, j’avais un ami cuisinier dans un nouveau restaurant Hype au centre de la ville. Il m’a dit qu’il pourrait me trouver un travail. Je suis arrivé le Mardi, le Samedi j’étais en masque-tuba en train de plonger. J’avais pour collègues 3 Ghanéens et un Dominicain. Ce dernier me racontait d’ailleurs qu’il était prof de plongée (la vraie plongée) en République Dominicaine et qu’il avait rencontré sa copine Allemande dans ce cadre… Bien sûr personne ne rêvait de plonger. Tous étaient entre deux projets, un peu dans la merde… J’ai passé des moments agréables dans cette cuisine, de 16h à 4h du matin, à écouter de la musique, boire des bières, frotter et m’entretenir sur la marche du monde. Problème, la plongée dans ce restaurant, c’était 5 jours par semaine ou rien. J’ai donc choisi rien. Je suis allé dans un restaurant où trois jours suffisaient. J’y ai découvert un nouveau type de plongeur: l’Européen jeune, diplômé, voyageur et / ou paumé.

La cuisine des restaurants est donc un endroit privilégié pour faire un peu de géographie. Je travaille dans un restaurant français à Berlin. Le chef de cuisine est polonais, les autres cuisiniers sont Allemands. J’ai vu défiler au service des Français Allemands Marocains Américains Israeliens Coréens Citoyens. A la plonge des Français en quête de destin Berlinois (beaucoup), des Nigérians, Camerounais, Tunisiens, Allemands. Quel travail fait-on quand on vient d’arriver dans un pays, qu’on n’ a pas de compétence technique particulière, voire qu’on ne parle pas la langue ? On enfile un masque, un tuba et on fait ce que personne ne veut faire… Chargé de plongée.

La dernière fois qu’un poste s’est libéré, le restaurant a posté une annonce sur internet pour trouver un nouveau chargé de plongée. A mon grand étonnement, le téléphone a sonné une vingtaine de fois le soir même. Avec 60 000 nouveaux arrivants l’année dernière à Berlin (principalement issus d’Europe latine), beaucoup de gens sont désormais prêts à faire ce que personne ne veut faire… Ceux qui ont un petit business l’ont bien compris.

N’oubliez pas quand vous mangez au restaurant que quelqu’un lave votre assiette, alors finissez vos plats!

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Commentaires

gutz
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J'en est fait 1 an de la plonge, et c'est vraie qu'au début tu douille au niveau du dos.
« sortir par la porte de derrière » est séduisante. Sa ma bien faire rire sa parce que j'y est pensés! hahah. Mais comme tu le dit chaque couvert sera inévitablement resali. Donc faut se dire, c'est bientôt la fin du service et faut tenir le coup.

Bon moi j'était organisé, donc pas souvent dans le jus a part les gros week-end bien sur. Quand les cuistot avais finit de tout envoyer, je pouvais mettre de la musique. Et franchement c'est se que je préférais, la fin du service était beaucoup plus agréable ainsi. J'ai eu de la chance aussi parce que j'avais une super ambiance, se qui est essentiel dans se genre de boulot. A oui c'était la premiere fois que j'avais épluché autant de patate.(2 tonnes minimum )

gutz
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J’en est fait 1 an de la plonge, et c’est vraie qu’au début tu douille au niveau du dos.
l'option « sortir par la porte de derrière » est séduisante. Sa ma bien faire rire sa parce que j’y est pensés! haha. Mais comme tu le dit chaque couvert sera inévitablement resali. Donc faut se dire que c’est bientôt la fin du service. Si t'est dans cette état d'esprit, tu tient le coup.

Bon moi j’était organisé, donc pas souvent dans le jus a part les gros week-end bien sur. Quand les cuistot avais finit de tout envoyer, je pouvais mettre de la musique. Et franchement c’est se que je préférais, la fin du service était beaucoup plus agréable ainsi. J’ai eu de la chance aussi parce que j’avais une super ambiance, se qui est essentiel dans se genre de boulot. A oui c’était la première fois que j’avais épluché autant de patate.(2 tonnes minimum )

ps: Quelques corrections.

chantal
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quelle belle écriture, quelles belles émotions vécues, mais le pédaleur occasionnel regrette un peu de ne pas avoir été ovationné pour ce bel exploit. C'est parce que ma'm n'était pas à l'arrivée !!!!!