Bus de nuit à Paris, la voiture-balai de votre soirée

22 octobre 2013

Bus de nuit à Paris, la voiture-balai de votre soirée

Chaque fois que je suis dedans, je me demande comment j’ai fait pour me faire piéger une fois de plus…

Pour les connaisseurs, le bus de nuit est une sorte d’anti-madeleine de Proust qui vous fait dire que ça a des bons côtés de vieillir…

Comment s’y retrouve-t-on ?

La soirée bat son plein. Aux alentours de 23 h, on rigole, on picole! Mais vers 2 heures du mat’, tout le monde (les Parisiens, les vrais) se barre… Il est temps de songer à regagner vos pénates. Vous, banlieusard, vous êtes un peu pris au dépourvu. Si vous aviez su, vous auriez pris le dernier train… Celui de 00 h 35. Mais, comme d’habitude, pris dans la fête, vous n’avez pas anticipé.

Deux heures du matin. Ça y ‘est, tout le monde est parti. Vous sortez de chez votre pote, seul, livré à vous même. Il vous reste deux choix : attendre la premier train à 5 h 20 ou prendre le bus qui met deux heures à vous ramener à la gare située à 20 minutes à pied de chez vous… Autant choisir entre se faire raser un sourcil et manger la vieille pizza qui traîne dans la vitrine du Grec depuis plusieurs jours…

Après quelques minutes d’hésitation, le deuxième choix sonne comme une évidence. Ce sera non pas la pizza, mais bel et bien le bus de nuit pour ce soir.

On marche frénétiquement jusqu’à l’arrêt. C’est un bus qui passe aléatoirement entre 10 minutes avant l’heure indiquée et 20 minutes après. Il faut être là-bas en avance. Si on le rate, on gagne 1 heure de colle, c’est-à-dire une heure de plus à attendre le prochain… Déjà, pour les non-initiés, trouver l’arrêt peut s’avérer être une chasse au trésor. Mais, une fois dans les alentours, on le repère facilement au nombre de « cadavres » gisants sur le trottoir. Nombreux sont ceux qui font une sieste… ou un coma en attendant l’arrivée de la voiture-balai.

Le bus arrive. Il est plein à craquer. Tout le monde se rue vers la porte avant. Il faut être stratégique pour dégotter une place… A l’intérieur, à peine arrivé à la moitié du véhicule, ça pue déjà le vomi. Bon, on continue à avancer en espérant dépasser l’odeur. Là, d’autres passagers nous disent gentiment : « Si j’étais toi, j’irai pas plus loin : y ‘a quelqu’un qui a vomi au fond du bus ». Ok, merci, ça venait donc du fond… On revient vers l’avant, on voit une place libre, on s’assoie, satisfait… On se dit qu’il n’y a plus qu’à prendre son mal en patience. Sauf que l’odeur devient de plus en plus persistante. On regarde par terre, on se rend compte qu’on a les pieds dans le vomi du gars d’à côté qui pionce salement… Bordel! On se lève en sursaut. C’est une cellule de dégrisement ici.

Le chauffeur signale gentiment, mais fermement que tout le monde doit être assis… Un gentil groupe de jeune vous propose un strapontin. On se croit sauvé, mais souvent on tombe sur des mecs qui sont très loin… Complètement bourrés, ils vous posent un tas de questions cons : « T’es en quelle terminale ? Tu connais Thibaut Dupuis ? C’est l’ex de Margot , tu joues en équipe 1 ou en équipe 2 »… Gentiment, on rentre dans son jeu, flatté d’être rajeuni de la sorte…

Malgré la relative douceur automnale, toutes les fenêtres sont ouvertes et les chauffages sont à fond. On sue dans notre manteau. On a hâte de sortir. Le bus se vide, se reremplit. Comme vous, plusieurs personnes s’essaient à La place vide du bus , tiennent 10 secondes, puis se lèvent. Au bout d’un moment, le chauffeur se décide à agir. Peut-être que l’odeur du vomi a enfin atteint son nez … Peut-être qu’il se dit que si personne ne nettoie ce vomi, c’est lui qui devra s’en charger au dépôt… Il se lève et va voir l’ivrogne qui dort. S’en suit un dialogue magnifique…

«- C’est toi qui a vomi ?

 – Non

 – Pourquoi t’as du vomi sur ton manteau alors ?

 – Je sais pas, laisse-moi tranquille, c’est pas moi !

 – Tu veux dire que quelqu’un t’as vomi dessus, est parti et toi t’as continué à dormir ?

 – J’en sais rien

 – Bon tu vas nettoyer, comme un grand garçon

 – T’es malade! Je ne nettoie rien ! »

Devant le refus du passager, le chauffeur décide qu’il ne redémarrera pas avant que le vomi soit nettoyé… Tout le bus décide alors de s’en prendre au pauvre malade. Devant la vindicte populaire, les insultes et les menaces, il quitte le bus plutôt que de nettoyer les dégâts. Un courageux se lève, fatigué d’attendre, il prend le sable, le balaie et nettoie rapidement…

 Le bus redémarre, puis se vide. Je suis tout seul dans le bus depuis un moment quand il arrive à ma gare. Il est 4 h 5, dans vingt minutes je suis au lit…

 

 

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Commentaires

Ziad
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Quel beau récit!

ADJEODA Juvencio
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Bel article sur fond d'humour! ça me replonge dans la galère des noctiliens! bravo

Fabienne Huillet
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Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J'ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet www.neonmag.fr